La réforme du scrutin électoral dans les communes de moins de 1.000 habitants divise ( AFP / GAIZKA IROZ )
Parité obligatoire et fin du panachage: la réforme du scrutin électoral dans les communes de moins de 1.000 habitants divise. Si certains élus y voient une avancée, d’autres redoutent qu’elle signe la disparition progressive des petites localités, à l’image de ce qui se joue en Seine-et-Marne.
Dans sa mairie située face à l'église romane du XIe siècle, Romain Senoble, 62 ans, regrette déjà le vote "à l'ancienne". "Avant les gens avaient la possibilité de panacher les listes: ils pouvaient rayer des noms, en ajouter, raturer, faire des commentaires sur un tel ou un tel", explique le maire de Forges (Seine-et-Marne), petite commune rurale de 480 habitants. "Pour moi, c'était l'expression directe de la démocratie."
Près de 70 % des communes françaises, soit 25.000, comptent moins de 1.000 habitants.
En mai dernier, le Conseil constitutionnel a mis un terme à ce système de panachage, également appelé "tir aux pigeons" en validant une nouvelle loi qui impose aux petites communes de présenter des listes de candidats alternant femmes et hommes. Un système désormais identique à celui des autres villes françaises.
En cas de rature, le bulletin sera dorénavant considéré comme nul. "On l'a bien expliqué dans un article du bulletin municipal, mais les gens nous disent que ça les embête beaucoup" de ne plus pouvoir s'exprimer à leur guise, précise Laurence Klein, maire de Villemaréchal-Saint-Ange.
Selon une enquête AMF/Cevipof-Sciences Po publiée vendredi sur leur état d'esprit, 52% des maires jugent la réforme mauvaise. Le rejet grimpe à 68% chez les édiles de communes de moins de 500 habitants.
Yves Lagües-Baguet est lui favorable au changement. "Il est important d'avancer, de voter pour un projet et plus pour des hommes et des femmes en déglinguant au tir au pigeons celui-ci ou celui-là avec", précise le maire de Champeaux, 814 habitants en 2022.
Dans sa mairie, Jean-Luc Auzou, 68 ans, ne décolère pas. "Ce qu'ils veulent c'est nous dégager! Ils veulent supprimer des maires parce qu'à Paris, ils disent qu'il y en a trop", estime l'édile de Courcelles-en-Bassée, pour qui les nouvelles règles visent uniquement à compliquer les choses aux candidats, notamment en imposant la parité.
S'il assure avoir le nombre requis de femmes sur la liste qu'il déposera à la préfecture, le maire, élu en 2020 par la centaine d'électeurs que compte son village de 210 habitants, confesse qu'il n'aurait "peut-être pas repris les mêmes" s'il avait eu le luxe de pouvoir convaincre de nouvelles têtes.
"Dans les petits villages, ça va poser des problèmes. C'est vrai que le plus dur pour moi a été de recruter des femmes. Celles que j'allais voir avaient des enfants et ça n'allait pas dans leur emploi du temps", regrette de son côté Laurence Klein dont la commune a fusionné en 2019 avec une autre qui ne trouvait pas de candidat.
- "La France Amazon" -
La fusion: c'est bien le scénario que redoutent de nombreux élus de petites villes. "Si vous n'arrivez pas à constituer une liste complète et si vous n'avez pas la parité, le préfet la refusera et désignera une délégation spéciale pour gérer les affaires courantes", explique Romain Senoble, le maire de Forges.
Ensuite, si dans un délai de trois mois, aucune liste n'était constituée, la commune sera rattachée à une autre pour former une commune nouvelle, précise la préfecture de Seine-et-Marne. Une "solution exceptionnelle", envisagée "en dernier recours".
Dans pareille situation, Courcelles-en-Bassée fusionnerait probablement avec Marolles-sur-Seine, imagine son maire, mécontent à cette idée. "Le maire de Marolles, il a assez à faire. Il se foutra royalement des habitants de mon village. Tout ça, c'est la France Amazon, la France sans contact où on ne se parle pas mais où on impose des trucs", poursuit Jean-Luc Auzou.
"La commune c'est quand même une richesse. Les gens aujourd'hui c'est dans leur commune qu'ils se reconnaissent", abonde Romain Senoble, rappelant que le maire est l'élu préféré des Français.
"Si ça arrive, ce sera à la marge", relativise de son côté François Deysson, vice-président de l'association des maires ruraux de Seine-et-Marne.
Moins précautionneux, son collègue Yannick Guillo rejette la faute sur les candidats: "Disons-le, quelqu'un qui a la prétention de gérer une commune, qui n'est pas capable de rassembler avec lui une équipe paritaire dans les chiffres qu'on nous demande, (...) c'est quelqu'un qui ne fait pas consensus".

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